dimanche 9 décembre 2012

Anaïs

(Histoires de Roms - prologue)

Nous rentrons, en voiture, d'acheter un sapin de Noël. Moi qui, c'est connu, suis loin d'être une fan de cette fête, j'essaie quand même de parler à mon fils des valeurs qu'elle est censée représenter... Je me dis que j'y crois à ce "détail" près qu'elles ne devraient ni être réservées à cette seule période de l'année, ni se limiter à être répétées machinalement, sans conviction, ou inscrites sur des cartes de voeux moches que personne ne lit.

Le petit sapin attaché dans le siège du passager à côté de notre fils, nous passons à côté d'un bidonville. Pas d'autre mot. Un bidonville, à côté de chez moi. En France.

Sur un trottoir, à côté des dix mille voitures qui passent à toute vitesse avec leur coffre plein de guirlandes et de zigouigouis colorés et kitsch et sans ménagements pour celles qu'elles frôlent de trop près, une petite fille en sweat-shirt rose, gelée, aide une femme à sortir des sacs du coffre de sa voiture. La femme lui tient la main avec affection, protectrice.

La femme, je la reconnais, c'est Anais, une amie que j'estime beaucoup.

Anaïs nous présente la petite fille. Je lui dis que je suis enchantée de la connaître, et je lui présente à mon tour mon mari et mon fils. Ses yeux s'illuminent devant cette simple politesse. Evidemment, on ne doit pas souvent la traiter comme un être humain, même au Pays des droits de l'homme. Anaïs nous dit, avec son sourire d'ange: "C'est là, derrière cette clôture, qu'atterrissent toutes les fringues que tu me donnes." La petite fille a froid. "Rentre", lui dit Anaïs, j'arrive.

Rentre, ça veut dire dans une maison de fortune construite avec quatre planches recyclées, sans eau et sans électricité.

Alors fuck Noël. FUCK NOËL.  Si vous ne pleurez plus en voyant des choses comme celles-là pile le jour où vous avez côtoyé l’hystérie des achats de sapins et de cadeaux. Fuck Noël si de voir de telles choses précisément le jour où vous avez acheté un sapin au milieu d'une foule agressive et harassée (ou n'importe quel autre jour d'ailleurs) ne vous donne pas envie de dire : "Anaïs, emmène-moi avec toi la prochaine fois! Je veux faire plus que de donner des vieilles fringues!"

(Et, à Anaïs, merci.)